Les Galères de Brest Sans Filtre

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Quand le numérique joue collectif : panorama des mutualisations en France

Brest comme vous ne l’avez jamais vue

12 septembre 2025


La mutualisation numérique, mode d’emploi (sans prise de tête)

La mutualisation, on en entend parler à la cantine du boulot comme dans les réunions du conseil municipal. Surtout depuis que le numérique est devenu la nouvelle marée montante : tout le monde a besoin de ses outils, mais pas forcément les moyens de se payer l’arsenal dernier cri, ni l’expertise maison. Alors, comme à la pêche quand on met en commun le casier pour tirer plus de langoustines, le monde du numérique s’est mis à jouer collectif.

Cette solidarité 2.0, c’est plus qu’un buzzword. Elle file la main un peu partout : collectivités locales, assos, PME, écoles, hôpitaux, parfois même particuliers. Chacun amène son petit morceau de filet pour construire de grosses machines numériques qu’aucun n’aurait pu se payer seul, ou optimiser ensemble ce qui coûte un bras (et quelques cheveux blancs) quand on reste tout seul à la barre.

La mutualisation, c’est quoi concrètement ?

Trois mots pour s’en souvenir : partage, économies, efficacité. On regroupe soit les usages, soit les moyens (matériels, logiciels, humains, savoirs…). Le but ? Éviter de voir cinquante structures acheter le même couteau suisse numérique pour ne l’utiliser que dix fois par an. Pour faire simple, c’est souvent plus malin d’acheter à plusieurs, gérer ensemble, et parfois même partager la maintenance.

Quelques chiffres pour prendre la mesure : selon une étude 2023 de la Banque des Territoires, 75% des collectivités françaises ont déjà mutualisé au moins un service numérique (source : Banque des Territoires). Certaines se lancent sur les clouds souverains, d’autres sur les plateformes collaboratives, d’autres enfin font dans l’achat groupé de logiciels ou de matériel.

1. Les data centers et clouds mutualisés : la force du collectif

Le stockage, c’est le nerf de la guerre numérique. Or, garder des serveurs dans chaque cave de mairie, ce n’est plus possible (sauf si on aime voir les rats rigoler entre les câbles). D’où le boom des data centers mutualisés publics. Sur Brest et dans pas mal d’agglo, on commence à voir fleurir :

  • Des clouds régionaux pilotés par des syndicats mixtes, comme Mégalis Bretagne. Ce géant, créé dès 1999, propose aux collectivités « un cloud breton » pour héberger sites, données et applications en toute sécurité française. En 2023, plus de 1300 structures publiques utilisaient leurs services (source : Mégalis Bretagne).
  • Des salles blanches mutualisées : Rennes Métropole, par exemple, abrite un data center pour une trentaine de partenaires (collectivités, universités, hôpitaux…). Tout le monde collabore, partage l’électricité verte, la sécurité, la redondance.
  • Des clouds par filière : le secteur santé, très friand de la mutualisation pour la souveraineté et le secret médical, multiplie les initiatives (GCS e-santé, par exemple).

Côté résultat ? En 2022, la région Grand Est estime à 30% d’économies sur 4 ans le passage au cloud public mutualisé (source : Dossier Banque des Territoires).

2. Les plateformes collaboratives (et autres outils partagés)

Autre grand terrain de la mutualisation : tous ces outils qui permettent de bosser à plusieurs, sans tout réinventer à chaque réunion.

  • Groupements de commandes pour logiciels métiers : au lieu de négocier chacun son abonnement Microsoft, on passe par une commande groupée. C’est le cas du Groupement Régional d’Achat Public en Pays de la Loire. Résultat ? Selon la Cour des comptes, les économies annuelles pour les collectivités dépassent parfois 40% par rapport à la négociation individuelle (Cour des comptes).
  • Espaces collaboratifs partagés, type Nextcloud, Moodle, intranets : l’Éducation nationale, via le GAR (Gestionnaire d’Accès aux Ressources numériques) permet à 12 millions d’élèves et 1 million de profs d’accéder à des plateformes cloud mutualisées – donc sécurité et homogénéité partout… même dans le Finistère profond (chiffres 2022 ministère de l’Éducation nationale).
  • Outils libres mutualisés : des villes comme Valenciennes, Nantes ou Brest ont adopté des solutions open source déployées collectivement (noyées logiciels type Odoo ou LibreOffice). Plus de personnalisation, pas de coût de licence, partage de développements spécifiques.

Côté originalité, certaines métropoles, comme Lyon, mutualisent aussi les outils de gestion de stationnement ou de signalement de problème urbain (Signalement intégré sur smartphone).

3. Les labs numériques, tiers-lieux et fablabs mutualisés

On ne parle pas que d’informatique ou d’applis. Le matériel – imprimantes 3D, découpeuses laser, serveurs à monter soi-même – coûte cher. C’est là qu’arrivent les tiers-lieux numériques, les fablabs et les médiathèques nouvelle génération :

  • Fablabs mutualisés entre plusieurs structures : à Brest, l’atelier collaboratif du Plateau 4000 a été cofinancé par la mairie, la fac, des assos et des PME. Bilan : plus de 800 utilisateurs réguliers (source : Ville de Brest).
  • Tiers-lieux labellisés France Tiers-Lieux : 324 référencés fin 2023, en augmentation de 27% en 3 ans (France Tiers-Lieux). Mutualisation de moyens humains (animation, maintenance), d’espaces, d'accès informatique.

Pas réservé aux geeks : associations d’aide à l’emploi, écoles, particuliers, artisans viennent y bricoler ensemble. Moins de gaspillage, plus de liens.

4. Les ressources humaines et expertises partagées

L’informatique, c’est pas juste une histoire de machines. On manque partout de compétences, surtout dans les petites structures : DSI, chefs de projet, administrateurs de bases de données, ça court pas les rues, surtout dans les coins reculés. Alors, on partage aussi les cerveaux.

  • DSI mutualisé : par exemple, à Vannes, un même DSI officie pour 4 établissements hospitaliers – chaque hôpital garde son identité, mais on mutualise les tâches techniques et, surtout, la veille sécurité.
  • Réseaux d’experts locaux : le GIP RECIA (Centre-Val de Loire) propose aux collectivités petites et moyennes un pool IT (chefs de projets, formateurs) en régie partagée – pratique pour régler une cyberattaque ou migrer les messageries sans embaucher en CDD.
  • Assistance partagée aux usagers : la Région PACA a lancé, via NumériquePACA, un service d’appui numérique à la demande pour 1200 mairies. C’est aussi un réseau de hotliners à l’échelle régionale.

5. Mutualisation numérique pour les associations et TPE/PME : petits mais costauds

Les multinationales ont le cloud d’Amazon, les PME de quartier doivent ruser. Heureusement, la mutualisation n’est pas réservée aux grands groupes. Voici comment les « petits » mutualisent :

  • Plateformes d’achats groupés : le dispositif Achat Public Mutualisé a permis entre 2021 et 2023 à plus de 2000 associations d’accéder à des outils pros (CRM, gestion des membres), avec un gain moyen de 25% sur les tarifs (source : Le Mouvement Associatif).
  • Espaces de coworking connectés : à Brest ou Quimper, des lieux comme la PAM proposent à la fois WiFi haut débit, imprimantes, et support technique mutualisé. Le ticket d’entrée est divisé par 3 par rapport à un bureau solo.
  • Solutions d’hébergement collectives : l’hébergement de sites web, souvent mutualisé grâce à des CNUM locaux, type l’offre Coopernet (en Bretagne), gérée et sécurisée collectivement.

6. Les plateformes citoyennes et les ressources numériques partagées… même pour les habitants

La mutualisation ne s’arrête pas aux guichets des collectivités ou aux PME. De plus en plus d’initiatives visent le grand public :

  • Médiathèques numériques départementales : accès à des bases de données, à des livres et à des films via des plateformes départementales collectées de manière groupée (Bretagne, Grand Est, etc.).
  • Formations informatiques mutualisées, type ateliers d’initiation au numérique pour seniors, regroupées à l’échelle intercommunale – économies sur les animateurs et meilleurs maillages.
  • Plateformes citoyennes : Signalement de nids-de-poule, prêts d’objets ou de matériel via des applis mutualisées. Exemple : « Ma Ville Mon Shopping » (coucou la Mairie de Brest !) – plateforme déployée dans plus de 150 villes, permettant aux commerçants de partager logistique et visibilité (Ma Ville Mon Shopping).

On est loin du vieux dépôt d’objets inutilisés. Là, c’est le numérique qui rapproche, qui invente de nouveaux usages. La ville intelligente, ce n’est pas que pour les start-ups !

Quelques écueils et limites (car tout n’est pas parfait sur la rade)

Rien n’est jamais tout rose, surtout dans les histoires de clocher… et de mutualisation.

  • Freins culturels : crainte de perdre la main, lourdeur administrative, résistance de la part de direction peu friandes de mettre leur informatique dans le même panier que le voisin.
  • Problèmes techniques : homogénéisation du parc, sécurité, interopérabilité. Appeler l’informaticien du syndicat mixte pendant une panne à minuit… c’est parfois sportif.
  • Soutien financier : la première marche d’investissement reste dure à franchir pour certaines petites structures.

Mais globalement, le bilan est jugé très positif (92% de satisfaction chez les collectivités, d’après l’enquête France Urbaine de 2022). Plaisanterie mise à part : la mutualisation fait surtout émerger des compétences et booster l’innovation locale.

Vers des villes plus intelligentes et solidaires ?

Si on creuse un peu partout en France, du port de Brest aux rives du Rhône, on voit que la mutualisation numérique est devenue aussi courante qu’un jour de pluie sur le boulevard Jean-Moulin. Économies, efficacité, filières rendues plus résistantes, ouverture à l’innovation… On n’a pas fini de voir pousser des clouds publics, des écoles connectées, ou des fablabs partagés.

Demain, la mutualisation ne se limitera plus à l’informatique grise des mairies et bureaux. De plus en plus, elle servira à la vie quotidienne : mobilité, énergie, santé, open data… Et qui sait ? Peut-être bientôt un espace numérique partagé sur le port de commerce, avec vue sur la rade et wifi pour tous au coucher du soleil.

Quelques ressources si la mutualisation vous titille

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